Présentation
Christian Baechler nous offre sa vision personnelle de Manhattan et c’est de la musique haute en couleur. Trois thèmes sont posés et le peintre développe d’innombrables variations autour :
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Manhattan, la légendaire, des immeubles géants qui défient le ciel.
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Manhattan, la foule bigarrée, une densité saisie à vif.
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Manhattan, le mouvement incessant, une agitation fébrile, tout bouge, tout est cadence.
Blue York est une grande, très grande toile placée à l’entrée de l’exposition. C’est une immense partition où les bleus dégradés annoncent les variations à venir sur l’architecture de Manhattan. Le bleu à lui seul pose la structuration ou la déstructuration que nous allons sans cesse rencontrer au cours de notre visite. Il souligne la froideur ou la féerie, il annonce la nuance aidé par le blanc qui l’aère, s’associe à lui afin de dégager la poésie, celle que nous allons capter.
La promenade commence bien là. Réalisme d’une ville certes, mais vision personnelle. Tout va être contraste : Blue York et tout est dit.
Le contraste est souligné d’une toile à l’autre : les colosses de béton surgissent avec leurs couleurs (du bleu, du vert, du rose, de l’orange), leur publicités rutilantes, leurs masses ; à leur pied une foule minuscule dans une agitation colorée et permanente. Grandeur écrasante des immeubles, pulsations vives tout en bas : c’est la fixité arrogante et la flexibilité incessante, elles sont enfin conciliées !
Dans le tableau Cœur des buildings la juxtaposition des blocs architecturaux dégage une incroyable puissance, c’est comme un jeu d’orgue polychrome qui assourdit le fourmillement des humains à tel point qu’ils disparaissent presque.
Parfois l’éclairage saisit des moments de la journée et notre vision de Manhattan change c’est le cas pour La foule sort de la brume, dans cette peinture le béton s’annule grâce à cette brume bleutée, comme liquide, et c’est soudain l’omniprésence de la foule. Dans Manhattan blue une trouée du ciel entre les immeubles fait jaillir la lumière dans l’épaisseur de l’huile. Quant à Lumières sur Manhattan, c’est un instant de paix, il s’agit du matin, il y a peu de monde, le bleu sacralise l’instant, quelques silhouettes se détachent, Manhattan « s’éveille ».
Rendre la neige en peinture (Christian ne choisit pas la facilité), mais il le fait, il rend l’atmosphère cotonneuse dans une huile intitulée Neige à Manhattan et miracle ! La neige adoucit les angles, confisque même les immeubles en les enveloppant silencieusement : la géométrie spatiale est déstructurée, presque anéantie, seuls quelques hommes se devinent, ils marchent malgré la bourrasque.
Encore ailleurs une huile sur papier adoucit l’ambiance de la ville, elle se nomme La vision de Manhattan, un gris très doux l’entoure, la couleur est plus claire, la course infernale contre le temps se ralentit un peu, l’ambiance est plus légère.
Mais c’est dans les aquarelles que la poésie humanise tout à fait les immeubles, Ambiance Manhattan A et B. Nous avons ici des impressions sur le vif, il n’y a plus que quelques badauds mais les immeubles semblent bouger, s’écarter, sourire. D’ailleurs dans Manhattan B c’est presque l’amorce d’une danse, les immeubles expriment l’ivresse, le vertige. Un lâcher prise total !
Deux pastels nous offrent une autre vision de Manhattan car après avoir décrit la verticalité le peintre n’oublie pas l’horizontalité, la ville tentaculaire. C’est Panorama de Manhattan (1et 2). Dans l’un il fait de la ville une pieuvre fantomatique avec la présence de la brume, la ville devient un ogre qui dévore sensuellement l’espace, son espace. Sur l’autre on a un très bel éclairage avec la réverbération du coucher de soleil sur les murs de la ville, quelques personnes semblent paresser, enfin !
Car le citadin a sa place dans l’exposition, Christian peint la vie des hommes dans Manhattan. Un cycliste isolé est au premier plan d’une toile, il avance devant nous en laissant derrière lui le décor grandiose de la ville et son animation. Dans un autre tableau intitulé Près du vendeur ambulant c’est presque un air d’autrefois qui souffle dans un décor bariolé où quelques silhouettes aux dégaines précises semblent oublier un peu la foule. Taxis jaunes, bouche du métro, policier, skateboarders en action, cyclistes, tout y est, même ce livreur de Manhattan qui suit son bout de chemin ignorant les immeubles et l’agitation, il n’entend plus le bruit, il est en route pour livrer à temps. Parfois l’humour est au rendez-vous, il ne faut pas oublier de regarder le tableau Qui passe ? C’est la mêlée quotidienne des gens pressés dans la ville !
Je finirai en évoquant le JAZZ car il est présent bien sûr dans Manhattan, le peintre n’a pu s’empêcher de l’évoquer discrètement avec deux musiciens, deux toiles bien en vue dans l’exposition et une peinture à la technique mixte (collages, acrylique et huile s’assemblent). Dans ce tableau mixte figurent bien des instruments du jazz, quant aux musiciens ils émergent en action dans une luxuriance de couleurs fortes et crues sur les murs de la ville. Il faut rappeler que le jazz c’était l’exposition de Christian l’an passé, il n’a pu que lui faire un clin d’œil dans sa création actuelle. Cependant avec Manhattan, avec ces variations sur la ville il a su véritablement créer pour nous une musique picturale la sienne.
Bravo l’artiste !
Liliane LIL écrivaine
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